Technopathies du golf

Le golf est un lancer dont la technique a évolué avec les années. Au 19e siècle, on utilisait exclusivement les membres supérieurs, puis avec Ben Hogan, “père” du swing classique, on mobilise les ceintures scapulaires et pelviennes. Enfin avec le swing moderne apparaît la participation des jambes et donc de l’ensemble du corps.

Depuis le 19e siècle, et surtout ces dix dernières années, le matériel a beaucoup progressé. De nouveaux matériaux sont mis au point pour la fabrication des shafts, des têtes de club. On voit apparaître des têtes midsize ou oversize. Il va falloir déterminer de nouvelles adéquations joueur – matériel.

I – La pathologie du membre supérieur

A – L’épaule

Le swing de golf réalise un lancer à deux mains, ce qui limite les amplitudes de mouvement des deux épaules. Ainsi les épaules ont un rôle protecteur l’une vis-à-vis de l’autre, en ne permettant qu’une élévation et une rotation du bras toujours inférieure ou égale à 90°. De ce fait, la pathologie microtraumatique de l’épaule est plus rare que dans d’autres sports de lancer. L’épaule est la 3e source de douleur pour le joueur professionnel, la 4e pour le joueur amateur. Deux types de pathologie peuvent être rencontrés chez le golfeur : celle que la pratique du golf induit directement, et celle qu’elle révèle.

– La pathologie du backswing

Le joueur de haut niveau pour augmenter la puissance de son swing, sera tenté de forcer l’amplitude de son backswing. Ainsi lors du mouvement d’adduction horizontale du membre supérieur gauche, le joueur met en compression son 1er arc costal. La répétition des contraintes va générer une fissuration progressive du 1er arc costal : la fracture de fatigue du 1er arc costal. Cette fracture de fatigue est responsable d’un tableau de pseudo -scapulalgie gauche et il faut avoir le réflexe devant toute scapulalgie gauche chez le golfeur, de palper cet arc costal.

Les joueurs développant un backswing très vertical avec une composante d’overswing et ne laissant pas le coude droit pointer vers le sol, mais au contraire le faisant monter à une abduction supérieure à 90°, peuvent développer des lésions du bourrelet glénoïdien antéro-inférieur ou développer un conflit sous-acromial antéro-supérieur. En plus du traitement symptomatique, la correction du geste technique sera capitale pour éviter la récidive douloureuse : Il est important de corriger l’abduction exagérée du bras droit, en haut du backswing.

– La pathologie de l’impact

L’arthropathie acromio-claviculaire microtraumatique affecte surtout les hommes lors des entraînements intensifs, avec percussion trop accentuée du sol dans deux circonstances :

– Chez les joueurs de haut niveau qui frappent la balle “balle et terre” pour donner à la balle un effet rétro.

– Chez les débutants qui frappent la balle “terre et balle” du fait d’un impact trop précoce du club sur le sol.

3 – La pathologie du follow-trough

L’adduction horizontale de l’épaule droite est le mouvement le plus nocif pour les structures neurologiques de cette épaule lors du geste du follow-through. Ce geste peut être exagéré quand le joueur cherche à sortir les mains le plus possible vers l’extérieur et à accompagner la balle le plus loin possible pour essayer de gagner de la longueur au drive. Différents nerfs peuvent être lésés, rarement le nerf circonflexe dans le quadrilatère de Velpeau.

Les atteintes neurologiques microtraumatiques du nerf sus-scapulaire chez le golfeur sont toujours des atteintes hautes avec souffrance des muscles sus – et sous-épineux. Plus fréquemment se développent des étirements du nerf du grand dentelé, par combinaison d’un mouvement de la tête en rotation et en flexion conjugué à une position du bras avec abaissement du moignon de l’épaule et abduction – élévation du bras droit lors du follow-trough.

Si le nerf du grand dentelé peut être étiré de plus de 10 % de sa longueur il va se développer ainsi une neurapraxie.

– La pathologie du finish

Le syndrome de la traversée throraco-brachiale de l’épaule gauche.

Le plexus brachial et les vaisseaux sous-claviers traversent trois passages :

– Le triangle formé par les muscles scalènes antérieurs et moyens, limités en bas par la 1re côte et traversés par le muscle scalène accessoire séparant le plexus brachial chez la moitié des sujets.

– Le défilé costo-claviculaire.

– L’aisselle en passant sous le muscle petit pectoral.

Le plexus brachial est compris entre des formations osseuses, musculaires et fibreuses qui, par leur volume ou leur anomalie, créent un rétrécissement et une gêne au passage des éléments vasculo-nerveux.

Ce défilé peut être rétréci par des anomalies osseuses, fibreuses, musculaires. La symptomatologie est très riche et trompeuse associant diversement des signes neurologiques et vasculaires. C’est une pathologie de l’entraînement favorisée par les longues séances de practice chez les très bons joueurs, amateurs ou professionnels. La décompensation est due à une augmentation de l’activité musculaire de la ceinture scapulaire.

L’expression neurologique du syndrome à type de paresthésie, d’engourdissement du membre supérieur, augmentée à l’effort n’est pas la plus fréquente. Les signes artériels sont, en revanche, les plus fréquents associant lourdeur, pâleur et doigts froids blanchissant lors de l’abduction du bras. Une véritable claudication du membre supérieur est notée à l’effort. Au cours de son entraînement le joueur perd progressivement de la longueur et de la précision. Ses balles sont de plus en plus courtes, avec des effets en hook et en slice.

Les signes veineux sont plus rares, mais inquiétants car la thrombophlébite est une complication de ce syndrome.

L’épaule droite peut être le siège d’un conflit sous-coracoïdien quand le joueur utilise un plan de swing assez plat, avec un finish où l’épaule droite se trouve en adduction horizontale compte tenu que le moignon de l’épaule droite se retrouve en antépulsion. Le joueur se plaint d’une douleur antérieure dans le sillon delto-pectoral lors du finish qui l’oblige progressivement à limiter celui-ci.

Le conflit sous-acromial antéro-supérieur de l’épaule gauche

Il faut d’emblée distinguer deux types de population :

– Le sujet jeune (25 – 30 ans) dont les douleurs traduisent souvent une atteinte de la coiffe par hyper-utilisation ou par insuffisance dynamique de la coiffe des rotateurs par rapport au deltoïde.

– Le sujet d’âge mûr pour lequel le golf n’est qu’un élément révélateur d’une atteinte dégénérative de la coiffe.

Afin de prévenir toutes ces lésions de l’épaule, il sera conseillé au joueur d’assouplir, avant de jouer, tous les groupes musculaires de la région scapulaire. Les bons joueurs, en vue d’améliorer leur drive pourront bénéficier d’un renforcement musculaire des muscles prévalants : sous-scapulaire, grand pectoral et grand dorsal.

B – Le coude

Une étude américaine portant sur 500 joueurs professionnels, nous apprend que ceux-ci souffrent très peu du coude. Les lésions semblent siéger plus souvent au niveau du coude gauche (3,8 %) qu’au niveau du coude droit (2,8 %). En revanche, dans 23,2 % des cas, le joueur amateur se plaint de son coude. Les épicondylalgies gauches sont les plus fréquentes. Elles sont exceptionnelles à droite. En revanche, les golfeurs souffrent également d’épitrochléalgie du coude droit : le golf-elbow.

Toute modification du grip va faire varier les composantes de pronosupination des deux avant-bras, et donc modifier les contraintes sur les tendons des épicondyliens et les épitrochléens. Ces contraintes pourront être majorées du fait : d’une crispation anormale des deux mains sur le club, de la répétition des frappes de balle au practice, l’utilisation de club à tête trop lourde et à manche trop raide…

Là encore, la modification du geste technique, la correction des erreurs de matériel contribuent à réduire le risque de récidive.

C – Le poignet et la main

Le grip est le seul lien physique entre le corps et le club, puis le club et la balle. Les mains et les poignets réalisent autour du club un bloc compact, un véritable étau qui va résister à des pressions et à des contraintes considérables à l’impact. En effet, un club de golf pèse 400 g, et son poids relatif peut atteindre plus d’une tonne force à l’impact. C’est donc une tonne force que doivent contrôler les mains. Le moindre déplacement des poignets, de 1 ou 2 cm par rapport à la trajectoire de la tête du club va aboutir à des modifications de poids relatif de 100 à 200 kg. L’accélération qui est donnée au club lors d’un swing peut être un autre élément favorisant les micro-traumatismes. Les poignets des femmes résistent moins bien à la force centrifuge, car ils sont beaucoup moins musclés et beaucoup plus laxes. Les nombreux microtraumatismes provoqués par l’impact du club sur la balle et dans le sol, vont pouvoir générer des atteintes variées tendineuses, téno-synoviales, ligamentaires, osseuses, cartilagineuses, neurologiques…
* Le blocage brutal de la tête du club dans le sol va pouvoir être responsable de lésions traumatiques des tendons : par rupture du 1er interosseux dorsal, par rupture du long extenseur du pouce, ou luxation du cubital postérieur.

* La répétition du swing, une erreur du swing, un changement de grip et le jeu dans les roughs épais sont particulièrement générateurs de microtraumatismes pour les tendons du poignet gauche. On rencontrera des ténosynovites de Quervain, des syndromes de l’entrecroisement, une ténopériostite d’insertion des radiaux, une ténosynovite des tendons des extenseurs, une ténosynovite du cubital postérieur ou des fléchisseurs.

* La trajectoire du club sur un obstacle au moment de l’impact peut être stoppée net et être à l’origine de fractures : fracture de l’apophyse unciforme de l’os crochu ou fracture frontale du pyramidal.

* Des atteintes osseuses microtraumatiques sont plus fréquentes avec des fractures de fatigue des métacarpiens, des fractures de fatigue de l’apophyse unciforme de l’os crochu, des styloïdites radiales et cubitales et enfin “l’impingement scaphoïde” qui fait le lit des fractures de fatigue du scaphoïde carpien.

* Le golf favorise parfois la décompensation d’une disjonction des os du carpe, d’une rhizarthrose ou d’un kyste synovial. Il peut être l’élément révélateur et déclenchant d’un syndrome du canal carpien touchant la femme dans la période péri- et post-ménopausique. On peut rencontrer aussi de véritables canaux carpiens d’effort chez les sujets jeunes de sexe masculin. La compression du nerf cubital au niveau du poignet est une pathologie d’exception. En revanche, les atteintes purement sensitives du nerf cubital secondaires à des microtraumatismes dues à des chocs répétés sur la région hypothénarienne de la main gauche, ne sont pas rares.

* Ces atteintes du poignet et de la main sont la première cause de douleur chez le joueur professionnel, avec une nette prédominance pour le côté gauche (9 fois sur 10). Chez le joueur amateur le poignet et la main sont moins souvent touchés puisqu’ils ne viennent qu’en 3e position après les problèmes rachidiens et les affections du coude.

La pathologie du poignet et de la main est extrêmement riche et variée favorisée par l’importance de l’accélération du club de golf, elle est intiment liée à la façon dont le club est tenu par le joueur.

Les microtraumatismes sont provoqués par la répétition des coups et surtout l’exécution de mauvais coups. La joueuse de golf est la plus exposée, handicapée par des poignets moins puissants, moins résistants à la force centrifuge.

II – La pathologie du rachis

Le swing nécessite une participation importante du rachis. La pathologie rachidienne déclenchée par le golf n’a rien de spécifique. Elle est particulièrement fréquente chez les amateurs, mais aussi chez les professionnels.

Le golf a donc mauvaise réputation. Nos populations sont donc particulièrement exposées ; les très bons joueurs, par hypersollicitaion, et les débutants dont les défauts techniques décompenseront une pathologie discale pré-existante.

L’enraidissement articulaire de la hanche va majorer le travail du rachis de même que les épaules enraidies vont générer une hyperlordose compensatrice lors du finish.

Une position incorrecte à l’adresse, le “sway”, un stance incorrect et un finish en C pourront être générateurs de différents types de lombalgies : discales, par souffrance articulaire postérieure L4 / L5 et L5 / S1 droite, par souffrance de la charnière dorso-lombaire, ou par souffrance des articulations sacro-iliaques.

Ainsi, il est recommandé à tout golfeur de s’échauffer, de s’étirer et de taper quelques balles au practice avant de prendre le départ au trou numéro 1. On lui recommandera de ne pas porter son sac de golf, de fléchir les genoux pour planter son tee au départ ou pour ramasser sa balle sur le green. Les longs entraînements au practice et sur le putting green sont à éviter. On peut lui recommander l’utilisation d’un long putter et le port d’une ceinture lombaire pour jouer au golf qui pourrait être alors un outil à la fois thérapeutique et pédagogique pour corriger les défauts techniques.

III – La pathologie du membre inférieur

A – La hanche

Une douleur de la hanche chez le golfeur traduit le plus souvent une pathologie non spécifique révélée par la pratique de la marche ; la décompensation d’une coxopathie, d’une tendinite du moyen fessier ou d’un syndrome de balayage du fascia-lata. Plus spécifique est la méralgie paresthésique par irritation du nerf fémoro-cutané au niveau de l’aine iliaque. Les dysesthésies sont dues à une exagération du travail de la jambe gauche lors du finish.

 

 

B – Le genou

Le golf n’est classiquement pas un sport à risque pour le genou. Toutefois la pratique intense expose à des gonalgies. La marche sur des parcours vallonnés pourra être responsable de la décompensation d’un syndrome fémoropatellaire. Le swing révélera des lésions dégénératives du ménisque interne droit ou du ménisque externe gauche. Le mouvement de torsion des membres inférieurs pourra être à l’origine de la survenue d’accidents d’instabilité rotulienne chez les sujets prédisposés.

C – Le pied et la cheville

Le swing correctement réalisé n’est pas générateur de manifestations pathologiques pour la cheville et le pied. Celles-ci sont le fait des mouvements incomplets ou mal exécutés.

– La pathologie liée au swing

Les gestes asynchrones et brusques peuvent être à l’origine chez le joueur débutant ou le sujet âgé de lésions de la cheville et du pied :

– Des ligamentites externes de la cheville car le pied gauche passe brutalement de l’éversion à l’inversion forcée lors du finish. La répétition de ces microtraumatismes favorisera l’apparition d’une laxité externe de la tibio-tarsienne gauche.

– Les femmes, pour améliorer la puissance de leur swing, se trouvent souvent à l’impact sur les avant pieds. Un mauvais transfert du poids peut conduire lors du finish à une distorsion du pied à l’origine d’entorse du médio-pied externe. Ce même transfert du poids trop brusque et trop violent pourra être à l’origine de rupture du tendon d’Achille gauche.

– La pathologie liée à la marche

Dix huit trous représentent une marche de 8 à 10 km. Le golfeur est ainsi exposé à des fractures de fatigue qui surviennent volontiers sur les 2, 3 et 4e métatarsiens, des enthésopathies de l’aponévrose plantaire sur le calcanéum, des tendinopathies d’Achille…

– La pathologie liée au chaussage

Le conflit contenant / contenu favorise l’éclosion d’une bursite en regard d’un hallux-valgus ou d’un quintus-varus ou encore des hématomes sous-unguéaux. La description princeps de la maladie de Haglund a été faite chez des golfeurs. Enfin le syndrome et la maladie de Morton ne sont pas rares lors de la pratique du golf.